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Quelles formes de grève sont autorisées / interdites ?
Le terme “grève” est largement employé pour désigner différents mouvements sociaux. Pourtant, certains d’entre eux ne peuvent pas être qualifiés de grève car ils ne respectent pas les conditions requises pour l’exercice licite du droit de grève. Le salarié n’est alors pas protégé par le droit de grève et s’expose à des sanctions pour abus de droit. C’est notamment le cas lors des formes de grève suivantes :
- La grève perlée
On parle de “grève perlée” lorsque les salariés exécutent volontairement leurs tâches de manière ralentie ou défectueuse, sans interrompre totalement leur activité. Cette forme d’action qui ne répond pas à la définition du droit de grève est interdite.
- La grève d’autosatisfaction
Lors d’une “grève d’autosatisfaction”, les salariés déclenchent une action collective dans le seul but d’imposer à l’employeur l’objet de leurs revendications (en ne venant pas travailler un jour de pont qui leur a été refusé par exemple). Puisqu’ils obtiennent satisfaction par eux-mêmes au moment où l’action démarre, il ne s’agit pas d’une grève.
- La grève du zèle
Les salariés font la “grève du zèle” lorsqu’ils appliquent avec un soin excessif les consignes données par leur employeur afin de ralentir l’activité d’un service ou de l’entreprise. Ce mouvement est illicite et n’est pas considéré comme une grève.
- Le piquet de grève
Le fait de bloquer les portes de l’entreprise et d’interdire son accès aux salariés non grévistes constitue un exercice abusif du droit de grève (Cass. soc., 8 déc. 1983, n° 81-14.238), sauf si les non-grévistes disposent d’un autre moyen d’accéder aux locaux.
À l’inverse, les mouvements suivants entrent dans l’exercice régulier du droit de grève, sous certaines conditions :
- La grève tournante
La “grève tournante” se caractérise par des arrêts de travail successifs, affectant tour à tour dans l’entreprise différentes catégories professionnelles, ou différents corps de métiers, différents services, etc. Cette forme de grève est autorisée, sauf lorsqu’elle conduit à la désorganisation de l’entreprise.
- La grève de solidarité
La “grève de solidarité” consiste à soutenir les revendications professionnelles de collègues régulièrement victimes de sanctions. Cette forme de grève est licite lorsqu’elle est motivée par des revendications professionnelles face à un intérêt collectif menacé.
Par exemple, des salariés qui font grève en soutien à un délégué syndical menacé de licenciement alors qu’il s’était engagé à défendre leur pouvoir d’achat dans le cadre de la négociation obligatoire exercent leur droit de grève de manière licite (Cass. soc., 5 janv. 2011, n° 10-10.685). En revanche, les salariés qui ne font que contester le licenciement d’un collègue pour un motif strictement personnel, sans mettre en avant l’existence de revendications professionnelles, ne respectent pas les conditions d’exercice du droit de grève (Cass. soc., 30 mai 1989, n° 86-16.765).
- Les débrayages répétés de courte durée
Dès lors que l’interruption du travail est totale, la durée des débrayages importe peu. Les débrayages courts et répétés, quelque dommageables qu’ils soient pour la production, sont licites et constituent un exercice normal du droit de grève (Cass. soc., 25 janv. 2011, n° 09-69.030).
Cependant, des débrayages répétés de courte durée se succédant à un rythme variable constituent un abus du droit de grève lorsqu’ils procèdent d’une volonté de nuire à la situation économique de l’entreprise, lorsqu’ils ont pour objet sa désorganisation concertée, ou encore lorsqu’ils ont sur elle des conséquences particulièrement dommageables. Les débrayages répétés ont donc un caractère abusif s’ils entraînent une désorganisation de toute l’entreprise et non de sa seule production.
- La grève bouchon
On parle de “grève bouchon” lorsque des salariés occupant une position stratégique dans la chaîne de production décident d’interrompre de manière totale et concertée leur activité. Cette forme de grève est licite, sauf abus.
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Mon employeur peut-il donner mon travail à quelqu’un d’autre quand je fais grève ?
Le recours à un salarié en contrat à durée déterminée (CDD) ou en contrat de travail temporaire (intérim) pour remplacer un salarié gréviste est interdit par la loi (art. L. 1242-6 et L. 1251-10 C. trav.).
Lors d’une grève, l’employeur ne peut pas non plus demander aux non-grévistes d’effectuer le travail des grévistes en plus de leurs propres tâches et en augmentant leur temps de travail. Le recours au prêt de main-d'œuvre payant est également interdit (art. L. 8241-1 C. trav.).
Seul le recours à des bénévoles, à d’autres salariés de l’entreprise dans le respect de leurs horaires de travail (et à condition de ne pas leur imposer un déclassement professionnel), ou à une autre entreprise dans le cadre d’un contrat de sous-traitance est possible.
À noter que le préfet peut réquisitionner des salariés grévistes en cas d’atteinte grave à la continuité du service (pour les services publics principalement), sous réserve que cette mesure soit imposée par l’urgence de la situation et reste proportionnée aux nécessités de l’ordre public.
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Dans quels cas l’employeur peut-il ordonner le lock-out de l’entreprise ?
Le lock-out est la fermeture temporaire de l’entreprise décidée par l’employeur en réponse à une grève. Il ne doit pas être confondu avec la mise en activité partielle (ex-chômage partiel) des salariés, ni avec une décision de fermeture prévoyant la récupération des heures perdues. Le lock-out constitue une faute contractuelle de la part de l’employeur dans la mesure où il prive les salariés non grévistes de leur liberté de travailler et de leur rémunération.
Si aucune situation de danger ou d’atteinte aux personnes n’est établie, la fermeture de l’entreprise est illicite et constitue une entrave au droit de grève justifiant l’octroi de dommages et intérêts aux grévistes (Cass. soc., 17 décembre 2013, n° 12-23.006).
Cependant, la fermeture de l’entreprise peut être justifiée dans certaines situations :
- en cas de force majeure (événement imprévisible, extérieur à l’entreprise et irrésistible) ;
- lorsque la grève constitue une situation contraignante rendant impossible la poursuite d’une activité normale et empêchant l’employeur de fournir du travail aux non-grévistes ;
- quand les impératifs de sécurité et de discipline rendent nécessaire la fermeture de l’entreprise (ex. : risques de violences).
L’employeur qui décide du lock-out de l’entreprise dans ces situations ne commet pas de faute.
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Quelles sont les conséquences d’un lock-out pour les salariés qui ne font pas grève ?
Pendant la fermeture de l’entreprise, tous les contrats de travail sont suspendus.
Si le lock-out est justifié par l’une des situations listées ci-dessus, aucune rémunération n’est due aux salariés. En dehors de ces situations, l’employeur commet une faute et les salariés non grévistes peuvent prétendre au paiement d’une indemnité en compensation des salaires perdus.
Les salariés ne peuvent en principe pas prétendre à l’allocation et à l’indemnité d’activité partielle (chômage partiel). Toutefois, en cas de lock-out se prolongeant plus de 3 jours, le versement de ces aides peut être autorisé sur décision du ministre du Travail (art. R. 5122-8, 1 C. trav.).
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Suite à une grève, mon employeur peut-il me demander de récupérer les heures de travail perdues ?
L’article L. 3121-50 du Code du travail dresse la liste restrictive des situations permettant la récupération des heures perdues. La grève interne et le lock-out n’en font pas partie.
En revanche, lorsque c’est une grève extérieure à l’entreprise qui a impacté le travail des salariés (ex. : salariés absents en raison d’une grève dans les transports publics), l’employeur peut leur faire récupérer les heures de travail perdues.
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Droit de grève
Pour exercer son droit de grève de manière licite, le salarié doit respecter certaines conditions. Quelles sont les formes de grève autorisées ? Quels sont les droits de l’employeur lors d’une grève dans l’entreprise ? La CFTC répond à vos questions !
Publié le 07. 06. 24
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Mis à jour le 07. 06. 24
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