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Mes conditions de travail sont très stressantes car mon responsable de service N+1 est en permanence “sur mon dos”. Peut-on parler de harcèlement moral ?
Des conditions de travail difficiles ou stressantes ne constituent pas, en elles-mêmes, un harcèlement moral. Elles peuvent néanmoins favoriser ou caractériser des faits de harcèlement.
Il n’est pas toujours évident de faire la distinction entre ce qui relève du pouvoir de direction et ce qui relève du harcèlement moral. Tout dépend des circonstances de fait. Avant de signaler la situation à votre employeur, nous vous conseillons de vous adresser à un représentant du personnel (élu au CSE) ou à un représentant syndical (un délégué syndical par exemple). Il vous aidera à identifier la nature des agissements répétés dont vous vous plaignez, à en vérifier la matérialité et la fréquence, à évaluer leur impact sur votre santé ou votre avenir professionnel, à apprécier les preuves dont vous disposez.
Si ces faits sont constitutifs d’abus, de menaces ou d’humiliations, vous pourrez invoquer le harcèlement moral. En revanche, si votre supérieur s’en tient à vous confier des tâches qui vous incombent, à vous les rappeler sans abus et dans des délais raisonnables, alors il agit dans le cadre de son pouvoir de direction.
Par exemple, l’exercice légitime du pouvoir disciplinaire ne constitue pas du harcèlement moral si la sanction est justifiée et proportionnée à la faute, dans le cadre de la mise en œuvre de mesures imposées par la loi, de mesures temporaires pour assurer la permanence d’un service, ou lorsque l’employeur peut justifier ses décisions de façon objective et non discriminatoire.
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Mon collègue a une fois eu un comportement très indésirable à mon égard parce que je suis handicapé, ce qui a depuis créé un environnement de travail empli de méfiance et intimidant pour moi. S’agit-il d’un harcèlement moral ?
Oui, par exception, un acte isolé peut être qualifié de harcèlement moral s’il est relié à une discrimination, par nature prohibée (art. L. 1132-1 C. trav.). Selon la nature et l’importance des faits, si vous intentez une action en discrimination, vous pourrez également ajouter un grief de harcèlement moral. Il s’agira alors d’un harcèlement discriminatoire.
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Mon employeur m’a sanctionné par un avertissement à la suite de mon comportement au travail vis-à-vis d’une responsable qui me harcèle au su de tous (retrait de certaines de mes attributions, injures, humiliations…). Puis-je contester cet avertissement qui n’est pas juste ?
La Cour de cassation a estimé que le comportement agressif d’une salariée en réaction au harcèlement moral caractérisé dont elle était victime ne constituait pas un motif valable de sanction ou de licenciement disciplinaire (Cass. soc. 10/07/19, n° 18-14317).
D’autre part, le Code du travail prévoit que toute rupture du contrat de travail liée à des faits de harcèlement ou à des actes contraires aux articles L. 1152-1 (qui interdit les agissements de harcèlement) et L. 1152-2 (qui protège les victimes et témoins) est nulle (art. L. 1152-3 C. trav.).
Ainsi, s’il est établi que le comportement que l’on vous reproche (ex. : attitude de moins en moins collaborative, dénigrement de votre responsable, comportement propice à créer des dissensions dans le service…) est une réaction au harcèlement dont vous êtes victime, l’avertissement prononcé par l’employeur à votre encontre devra être annulé.
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Je travaille dans une petite entreprise. Mon employeur n’a jamais pris de mesures de prévention contre le harcèlement et, de plus, il a un mode de fonctionnement qui s’apparente à du harcèlement managérial. Puis-je être dédommagé pour le préjudice sur ma santé que je subis depuis des mois ?
Votre employeur doit respecter deux obligations distinctes : l’obligation de prévention des risques professionnels (art. L. 4121-1 et 2 C. trav.) et l’obligation de prévention des agissements de harcèlement moral (art. L. 1152-4 C. trav.).
Les préjudices découlant de la violation de ces obligations étant distincts, vous pouvez, devant le conseil de prud’hommes, obtenir réparation de l’un et de l’autre si vous en établissez la réalité. Les juges ne peuvent pas vous refuser l’indemnisation du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité au seul motif qu’ils n’ont pas retenu l’existence du harcèlement moral invoqué (Cass. soc. 08/07/20, n° 18-24320).
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Afin d’anticiper ma retraite, j’ai pris un congé de fin de carrière durant lequel j’ai été élu au CSE. Mon employeur refuse de me donner les outils nécessaires à l’exercice de mes fonctions, refuse que j’assiste aux réunions, et fait des erreurs systématiques dans le calcul de mes cotisations de retraite. Le harcèlement moral peut-il être reconnu alors que les faits ont lieu pendant une période de suspension de mon contrat de travail ?
La Cour de cassation a estimé que le harcèlement moral pouvait être reconnu dans le cas d’agissements à l’encontre du “salarié dispensé d'activité en raison d'une période de congé de fin de carrière, dès lors que le contrat de travail n'est pas rompu pendant cette période” (Cass. soc. 26/06/19, n° 17-28328). Autrement dit, l'important n'est pas que le salarié soit en activité, mais qu'il soit toujours lié à l'entreprise par un contrat de travail.
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Je considère que mon ancien employeur m’a nui pendant des années par de petits actes insidieux de harcèlement, mais j’ai toujours tenu le coup sans arrêt maladie. Puis-je intenter une action en justice maintenant que j’ai quitté l’entreprise ?
La loi pénale n’exige pas que les actes de l’employeur portent atteinte à la dignité du salarié. Elle exige simplement que ces actes répétés aient pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail (art. 222-33-2 C. pén.). Ainsi, pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, peu importe que l'avenir professionnel de la victime n'ait pas été compromis ou que sa santé n'ait pas été altérée : “la simple possibilité d’une dégradation suffit à consommer le délit de harcèlement moral” (Cass. crim. 06/12/11, n° 10-82266).
En revanche, pour pouvoir obtenir réparation devant le conseil de prud’hommes, vous devrez apporter des faits précis dont les juges vérifieront la matérialité et la concordance. Ils décideront ensuite si ces faits, dans leur ensemble, font supposer ou non l’existence d’un harcèlement. Ils ne peuvent procéder à une analyse séparée de chaque élément invoqué (Cass. soc. 15/02/23, n° 21-12975).
Enfin, si les faits laissent présumer l’existence d’un harcèlement, ce sera à l’employeur de prouver que les faits ne constituent pas un harcèlement. Ainsi, si vous pouvez apporter suffisamment de faits matériels (e-mails, courriers, enregistrements, témoignages, démarches auprès du CSE ou du médecin du travail…) et si les juges considèrent que le harcèlement existe, ils ne pourront pas exiger que vous fassiez état du préjudice qui en a résulté (Cass. soc. 15/02/23, n° 21-20572) si vous n’avez aucun préjudice particulier à faire valoir.
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Mon supérieur hiérarchique a un comportement amoureux insistant vis-à-vis de moi. Il me drague et m’envoie de nombreux sms. S’agit-il d’un harcèlement sexuel ?
Tout dépend des circonstances de fait. Si ces sms contiennent des propos à connotation sexuelle ou des pressions dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles, alors que vous lui avez demandé d’arrêter ce type d’agissements, le harcèlement sera constitué, comme la Cour de cassation l’a confirmé dans une affaire similaire (Cass. soc. 03/03/21, n° 19-18110).
Vous pourrez agir auprès de l’employeur pour lui demander de prendre une décision (sanction disciplinaire, changement de service, rappel des règles aux salariés, saisie de l’inspecteur du travail…) et, si vous le souhaitez, agir devant le conseil de prud’hommes pour obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, ainsi qu’au pénal puisque le harcèlement est un délit.
En revanche, si de son côté ce salarié estime que vous avez vous aussi une attitude ambiguë sur le lieu de travail (familiarité, séduction…) et si ces faits sont constatés par le conseil de prud’hommes, le harcèlement est susceptible de ne pas être reconnu (Cass. soc. 25/09/19, n° 17-31171).
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Depuis quelque temps, mon supérieur me harcèle sexuellement. Récemment, lors d’un séminaire d’entreprise, il est allé plus loin (attouchements sur ma poitrine). Comment puis-je me défendre ?
Les faits que vous décrivez constituent une agression sexuelle, à savoir une atteinte sexuelle (contact physique) sans pénétration, commise sur une personne avec violence, contrainte, menace ou surprise, sans son consentement. La contrainte peut être physique ou morale (art. 222-22 et 222-22-1 C. pén.). Il s’agit d’un délit, contrairement au viol (on parle de viol quand il y a pénétration), qui est un crime (art. 222-23 C. pén.).
La première chose à faire est d’alerter votre employeur qui doit prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les faits de harcèlement sexuel, y mettre un terme et les sanctionner (art. L. 1153-5 C. trav.). Il doit prévenir en empêchant que ce type de comportement ne se reproduise vis-à-vis de vous ou d’une autre salariée, réagir en réalisant une enquête et en sanctionnant le coupable.
Il faut également alerter le référent harcèlement du CSE (s’il y en a un) et celui de l’employeur (si l’entreprise compte au moins 250 salariés), les membres du CSE, les représentants syndicaux (qui peuvent déclencher une procédure de signalement), le médecin du travail et l’inspection du travail.
Vous pouvez également saisir le Défenseur des droits : le sexe faisant partie des critères de discrimination interdits par la loi, les faits de harcèlement sexuel constituent aussi une discrimination. Enfin, vous pouvez porter plainte contre ce salarié et/ou saisir le conseil de prud’hommes.
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Je me plains depuis des semaines de faits objectifs de harcèlement auprès de mon employeur qui ne fait rien. Cette situation a des effets sur ma santé. Puis-je engager sa responsabilité ?
L’obligation de prévention du harcèlement sexuel s’intègre dans l’obligation générale de l’employeur d’assurer la sécurité des travailleurs et de protéger leur santé physique et mentale (art. L. 4121-1 et 2 C. trav.). L’employeur est donc tenu de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel dans l’entreprise, et, s’ils se réalisent malgré ces mesures, d'y mettre fin et de les sanctionner.
Des mesures d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement sexuel doivent être prises. La responsabilité de l’employeur peut être engagée s’il n’a pas pris toutes les mesures de prévention prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail. Sa responsabilité sur le fondement de l’obligation de sécurité peut être engagée quand bien même la qualification pénale de harcèlement sexuel n’a pas été retenue par les juges.
Enfin, le dialogue social est un moyen précieux pour prévenir les faits de harcèlement dans l’entreprise. En effet, la prévention du harcèlement sexuel et des agissements sexistes peut être intégrée à la négociation obligatoire portant sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT), ou faire l’objet d’un accord d’entreprise ou de branche. Ces accords pourront prévoir des modalités d’information, de formation, de signalement, d’enquête…