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    Dossier

    Travail de nuit : les droits du salarié et de l’employeur

    Le recours au travail de nuit s’organise différemment selon les secteurs d’activité. Il est réservé aux situations de travail exceptionnelles, notamment en raison de son impact sur la santé du salarié, et ouvre droit à des contreparties.

    Publié le 16. 11. 21 . Mis à jour le 25. 07. 23

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    Définition du travail de nuit : que dit la loi ?

    Le travail de nuit est le travail exercé sur une période d'au moins 9 heures consécutives incluant la plage horaire 24h00 - 5h00. Cette période doit commencer au plus tôt à 21h00 et s'achever au plus tard à 7h00 (art. L. 3122-2 et L. 3122-15 C. trav.).


    Cette période de nuit est définie par accord d’entreprise ou, à défaut, par accord de branche. En l’absence d'accord, le travail de nuit vise le travail accompli entre 21h00 et 6h00 (art. L. 3122-20, C. trav.), sauf dispositions particulières dans certains secteurs d'activité.

    Secteurs dérogatoires

    • Pour les activités relevant de la presse, de la radio, du cinéma, du spectacle, des discothèques, il s’agit d’une période de travail d'au moins 7 heures consécutives incluant la plage horaire 24h00 - 5h00 (art. L. 3122-3 C. trav.). En l’absence d'accord, il s'agit de tout travail accompli entre minuit et 7h00 (art. L. 3122-20 C. trav.).
    • Dans les établissements de vente de détail situés dans les zones touristiques internationales mettant en œuvre le travail en soirée (entre 21h00 et minuit), le début de la période de nuit peut être reporté jusqu'à minuit (art. L. 3122-4 C. trav.).
    • Dans le secteur des transports, le travail de nuit correspond à la période comprise entre 22h00 et 5h00 (art. 18 Convention collective nationale des transports routiers).

    À savoir

    En période de nuit, la loi prévoit une réduction des durées maximales de travail par rapport au travail de jour (art. L. 3122-6 et 7 C. trav.). La durée maximale quotidienne de travail est de 8 heures, la durée maximale hebdomadaire de 40 heures (calculées sur une période de 12 semaines consécutives). 

    Il est toutefois possible de déroger à la durée maximale quotidienne par accord d’entreprise ou de branche (art. L. 3122-17 C. trav.) ou sur autorisation de l’inspecteur du travail (art. R. 3122-1 à 8 C. trav.). Il est également possible de déroger à la durée maximale hebdomadaire, dans la limite de 44 heures et sous certaines conditions (art. L. 3122-18 C. trav.).

    Recours au travail de nuit : quelles limites pour l'employeur ?

    Modalités d'organisation du travail de nuit

    Le recours au travail de nuit doit être exceptionnel. Il doit prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des salariés, et être justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale (art. L. 3122-1 C. trav.).


    L’employeur ne peut pas décider seul d’organiser le travail de nuit dans son entreprise. 

    • L’organisation du travail de nuit doit faire l’objet d’une négociation avec les délégués syndicaux. La décision de l’employeur est subordonnée à la conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche (art. L. 3122-15 C. trav.). 
    • Le comité social et économique (CSE) doit également être consulté (art. L. 2312-8 C. trav.), de même que le médecin du travail (art. L. 3122-10 C. trav.), avant la mise en place du travail de nuit ou la modification de son organisation.
    • En l’absence d’accord, l’employeur peut demander à l’inspection du travail l’autorisation d’affecter des salariés à des postes de nuit. L’inspecteur du travail vérifie alors les contreparties et temps de pause accordés aux salariés (art. L. 3122-21 C. trav.).

    Justification du recours au travail de nuit

    Le travail de nuit ne doit pas être considéré comme une modalité d’organisation du travail comme les autres. En raison des risques d’atteinte à la santé des travailleurs, l’employeur doit éviter de recourir au travail de nuit et privilégier d’autres modalités d’organisation du travail (modulation du temps de travail, annualisation, travail posté…), en vertu des principes généraux de prévention (art. L. 4121-2 C. trav.). 


    L'employeur doit évaluer les risques pour la santé et la sécurité des salariés. Cette évaluation doit tenir compte de l’impact différencié de l’exposition aux risques selon les sexes (art. L. 4121-3 C. trav.). 


    L’administration considère que les critères de rentabilité des investissements ne peuvent être les seuls retenus pour autoriser le travail de nuit (Circ. DRT n° 2002-09). La Cour de cassation confirme : le travail de nuit dans les secteurs du commerce alimentaire ou de la parfumerie n’est pas justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique (Cass. crim. 02/09/2014, n° 13-83304 et 24/09/2014, n° 13-24851).

    Que dit la loi ?

    L’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique.

    Directive-cadre européenne 89/391/CEE du 12 juin 1989 sur l'amélioration de la sécurité et de la santé au travail

    À savoir

    Désormais, les justifications du recours au travail de nuit prévues par accord collectif sont présumées légales (art. L. 3122-15 C. trav.). C'est à celui qui conteste la validité de l'accord de prouver qu'il n'a pas été négocié et conclu conformément à la loi, dans les conditions définies par l’article L. 3122-1 du Code du travail. 

    Toutefois, l'existence d'un accord collectif, même s'il est présumé valide, ne suffit pas à établir que le recours au travail de nuit est justifié. Les juges doivent contrôler la régularité du recours au travail de nuit dans la situation donnée. Les conditions liées à la justification du recours au travail de nuit sont appréciées en considération de la situation propre à chaque établissement (Cass. crim. 07/01/2020, n° 18-83074).

    Interdiction du travail de nuit des mineurs

    L’employeur ne doit pas employer de nuit des travailleurs mineurs, entre 20h00 et 6h00 pour les mineurs de moins de 16 ans, et entre 22h00 et 6h00 pour les jeunes de plus de 16 ans et de moins de 18 ans (art. L. 3163-1 à 3 et L. 6222-26 C. trav.). Il existe cependant de nombreuses dérogations selon les secteurs d’activité, listés aux articles R. 3163-1 à 5 du Code du travail.

    Refus du travail de nuit par le salarié

    Le fait de travailler de nuit ou de jour est un élément déterminant dans la relation de travail. L’employeur ne peut donc pas imposer unilatéralement le travail de nuit au salarié, même partiellement (Cass. soc. 07/04/2004, n° 02-41486 ; Cass. soc. 25/06/2014, n° 13-16392 ; Cass. soc. 15/06/2016, n° 14-27120). Inversement, il ne peut pas non plus imposer le travail de jour à un travailleur de nuit.

    À savoir

    Le refus du salarié ne constitue pas une faute, ni un motif de licenciement. Cependant, si le changement d’horaires est fondé sur un motif économique, son refus peut entraîner un licenciement pour motif économique.

    Réaffectation du salarié

    Les travailleurs de nuit qui souhaitent occuper ou reprendre un poste de jour et les salariés occupant un poste de jour qui souhaitent occuper ou reprendre un poste de nuit dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise ont priorité pour l’attribution d’un emploi correspondant à leur catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent. L’employeur est tenu de communiquer à ces salariés la liste des emplois disponibles (art. L. 3122-13 C. trav.).


    Lorsque le travail de nuit est incompatible avec des obligations familiales impérieuses, le salarié peut demander son affectation à un poste de jour (art. L. 3122-12 C. trav.). L’employeur est donc tenu de prendre en compte la situation de famille du salarié. Toutefois, cette disposition semble créer uniquement une priorité de reclassement sur un poste de travail de jour disponible. Elle ne précise pas si le poste doit être équivalent à celui occupé par le salarié et aucune jurisprudence n’a apporté de précisions sur cette question.

    Travail de nuit : quelles contreparties pour le salarié ?

    Le travailleur de nuit doit bénéficier de contreparties sous forme de repos compensateurs et, dans certains cas, de compensations salariales (art. L. 3122-8 C. trav.).


    Ces contreparties, jours de repos et majorations de salaire, sont définies par l’accord collectif d'entreprise (ou de branche) permettant le travail de nuit (art. L. 3122-15, al. 3 C. trav.). Le supplément salarial associé au travail habituel de nuit est en moyenne de 8,1 %.


    L’accord peut aussi prévoir la possibilité d’affecter ces jours de repos à un compte épargne temps.


    En outre, l’accord collectif autorisant le travail de nuit doit prévoir des mesures destinées à : 

    • améliorer les conditions de travail ;
    • faciliter l’articulation de l’activité nocturne avec l’exercice de responsabilités familiales et sociales, notamment en ce qui concerne les moyens de transport ;
    • assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
    • organiser les temps de pause.

    À savoir

    Le compte personnel de prévention de la pénibilité pour les salariés travaillant la nuit a été abrogé et remplacé par le C2P (compte professionnel de prévention). Les points crédités permettent au travailleur de nuit de bénéficier d’un départ à la retraite anticipé ou de réduire son temps de travail.

    Travail de nuit : quelles conséquences sur la santé du salarié ?

    Fatigue, stress et pathologies à long terme

    Le travail de nuit est une source de stress pour l’organisme (rapport ANSES) et constitue, de ce fait, un facteur de risque professionnel au titre du compte professionnel de prévention (C2P).


    Le travail de nuit entraîne en effet une plus grande fatigue et, à terme, une usure prématurée de l’organisme. De plus, il perturbe le sommeil, ce qui empêche une bonne récupération de la fatigue. Cette perturbation du sommeil augmente avec le temps (ancienneté au poste de nuit) et avec l’âge du salarié.


    Outre les troubles du sommeil, le travail de nuit favorise l’apparition de diverses pathologies : troubles digestifs, syndromes dépressifs, maladies cardiovasculaires, etc. Les atteintes à l’organisme sont généralement irréversibles et l’espérance de vie des travailleurs de nuit s’en trouve réduite.


    Le travail de nuit est également considéré comme cancérigène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). En effet, l’exposition à la lumière pendant la nuit empêche l’organisme de produire en quantité suffisante une hormone indispensable au fonctionnement du système immunitaire, favorisant notamment le cancer du sein, qui devrait alors être reconnu comme maladie professionnelle.


    D’une manière générale, les conditions de travail sont plus difficiles la nuit, alors même que les capacités physiologiques de résistance sont réduites. De plus, le travail de nuit concerne principalement des métiers pénibles, imposant déjà des contraintes physiques ou de vigilance accrues. Enfin, le travail de nuit est très souvent associé à des horaires décalés et à du travail en week-end, ce qui accentue encore les risques de fatigue et de perturbation de l’organisme.

    À savoir

    Le médecin du travail doit obligatoirement informer les travailleurs de nuit des incidences que le travail de nuit peut avoir sur leur santé (art. R. 3122-14 C. trav.).

    Suivi médical du travailleur de nuit

    Avant son affectation à un poste de nuit, le salarié bénéficie d'une visite d'information et de prévention réalisée par un professionnel de santé (art. R. 4624-18 C. trav.).


    Le travailleur de nuit est ensuite soumis à un suivi individuel régulier (art. L. 3122-11 et L. 4624-1, al. 7 C. trav.), encadré par une visite médicale dont la périodicité ne peut excéder 3 ans. Le médecin du travail peut prescrire des examens complémentaires au travailleur de nuit. Ces examens sont à la charge de l'employeur (art. R. 4624-37 C. trav.). Le médecin du travail est par ailleurs informé de toutes les absences du salarié pour maladie (art. R. 3122-12, al. 2 C. trav.).


    Lorsque son état de santé l’exige, sur constatation du médecin du travail, le salarié doit être transféré, définitivement ou temporairement, à un poste de travail de jour correspondant à sa qualification et aussi similaire que possible à l’emploi précédemment occupé. Le salarié ne peut être licencié pour inaptitude que si l’employeur justifie de l’impossibilité de reclassement ou du refus du salarié d’accepter le reclassement proposé (art. L. 3122-14 C. trav.).

    À savoir

    Les femmes enceintes travaillant de nuit bénéficient d’une protection spécifique. En effet, l’interdiction du travail de nuit des femmes a été supprimée en 2001, mais lorsqu’une femme est enceinte, ou lorsqu’elle vient d’accoucher, elle doit être affectée à un poste de jour si le travail de nuit est incompatible avec son état. 

    Ce changement d’affectation ne doit pas entraîner de baisse de salaire. Si aucun poste de jour n’est disponible, le contrat de travail de la salariée est suspendu sans perte de rémunération (art. L. 1225-9 et L. 1225-10 C. trav.).

    Le travail en soirée, distinct du travail de nuit

    Le travail en soirée concerne les établissements de vente de détail mettant à disposition des biens et des services, situés dans des zones touristiques internationales.

    Il correspond à toute période de travail comprise entre 21h00 et 24h00 (art. L. 3122-4 C. trav.).

    Organisation du travail en soirée

    Le travail en soirée doit être encadré par un accord d'entreprise ou de branche, précisant :

    • la mise à disposition d'un moyen de transport pris en charge par l'employeur et permettant au salarié de regagner son domicile ;
    • les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés, en particulier les mesures de compensation des frais de garde d'enfant ou de prise en charge d'une personne dépendante ;
    • la définition des conditions de prise en compte par l'employeur de l'évolution de la situation personnelle des salariés et, en particulier, de leur souhait de ne plus travailler après 21 heures (art. L. 3122-19 C. trav.).

    Contreparties au travail en soirée

    Chaque heure de travail en soirée doit être rémunérée au moins le double de la rémunération normalement due et donner lieu à un repos compensateur équivalent en temps (art. L. 3122-4, al. 3 C. trav.).


    Le salarié bénéficie également des garanties prévues par l'accord collectif : moyen de transport, mesures facilitant la conciliation vie professionnelle/vie personnelle, etc. (art. L. 3122-19 C. trav.).

    À savoir

    Les salariés accomplissant entre 21h00 et minuit le nombre minimal d'heures de travail nécessaire pour être considérés comme des travailleurs de nuit bénéficient des dispositions relatives au suivi médical renforcé et au changement de poste (passage ou retour à un poste de jour). Si au cours d'une même période de référence, le salarié accomplit des heures de travail en soirée et des heures de nuit, le calcul tient compte de l’ensemble des heures cumulées (art. L. 3122-4, al. 3 à 5 C. trav.).

    Droit de refus du salarié

    Une entreprise ne peut se baser sur le refus du salarié de travailler en soirée pour refuser de l'embaucher. De même, le salarié qui refuse de travailler en soirée ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire. Son refus ne constitue ni une faute, ni un motif de licenciement (art. L. 3122-4, al. 2 C. trav.).


    Les salariés ayant accepté le travail en soirée peuvent revenir sur leur décision. Pour les salariées enceintes ou venant d’accoucher, ce choix est d'effet immédiat (art. L. 3122-19 C. trav.).


    Les salariés accomplissant le nombre d'heures requis pour avoir la qualité de travailleurs de nuit peuvent demander à être affectés à un poste de jour en cas d'incompatibilité du travail en soirée avec des obligations familiales impérieuses (art. L. 3122-4, al. 4 et L. 3122-12 à 14 C. trav.).

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