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    Harcèlement moral

    La loi interdit toute forme de harcèlement moral au travail, quelle que soit la nature de la relation entre la victime et l’auteur des faits. Définition légale, prévention du harcèlement, protection des salariés victimes ou témoins, recours en justice… Voici un point complet sur le harcèlement moral au travail.

    Publié le 01. 07. 24 . Mis à jour le 01. 07. 24

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    Harcèlement moral au travail : définition et cadre légal

    La définition du harcèlement moral

    En droit du travail


    Le harcèlement moral est défini par le Code du travail comme des “agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel” (art. L. 1152-1 C. trav.)


    Le harcèlement moral est interdit même en l’absence de lien hiérarchique entre la victime et l'auteur des faits.


    Pour être constitué en droit du travail, le harcèlement moral ne nécessite pas l’intention de nuire de son auteur (Cass. soc. 10/11/2009, n° 08-41497)


    Dans le quotidien du salarié, le harcèlement moral peut prendre des formes multiples : 


    • critiques ;
    • insultes ;
    • attribution de tâches subalternes sans rapport avec sa qualification ; 
    • retrait de certaines missions ; 
    • tentatives d’intimidation ; 
    • sanctions injustifiées ; 
    • mise à l’écart ; 
    • insultes ; 
    • messages intempestifs ; 
    • menaces de licenciement ; 
    • conditions de travail dégradantes, etc.

    Attention !

    La répétition de ces faits (sur une brève période ou de manière espacée dans le temps) est une condition nécessaire. Un fait isolé ne permet pas de caractériser le harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du Code du travail. Il peut néanmoins permettre, dans certaines situations, de caractériser une violence (insulte, menace…). 

    Deux agissements sont suffisants pour caractériser un harcèlement moral (Cass. soc. 27/01/2010, n° 08-43985)

    Un fait unique suffit en revanche à caractériser un harcèlement discriminatoire. En effet, le Code du travail interdit tout acte de harcèlement, répété ou non, dès lors qu’il est lié à un motif de discrimination (sexe, âge, religion, activités syndicales…) (art. L. 1132-1 C. trav.) et a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité du salarié, ou de dégrader son environnement de travail (art. 1, al. 4, loi n°2008-496 du 27/05/2008)


    L’article 2 al. 2 de l’ANI du 26/03/2010 précise que “certaines catégories de salariés peuvent être affectées plus particulièrement par le harcèlement et la violence en raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur handicap (…). En effet, les personnes potentiellement exposées à des discriminations peuvent être plus particulièrement sujettes à des situations de harcèlement ou de violence au travail”. 


    En droit pénal


    Le Code pénal interdit lui aussi “le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel” (art. 222-33-2 C. pén.)


    Au sens du Code pénal, le harcèlement moral est un délit qui nécessite l’intention de nuire de son auteur (art. 121-3 C. pén.).


    Selon la Cour de cassation, les juges doivent caractériser, chez l’auteur des faits, la conscience d'entraîner une dégradation des conditions de travail du salarié victime afin de pouvoir retenir le délit de harcèlement (Cass. crim. 22/02/22, n° 21-82266). Il en résulte que l’auteur des faits de harcèlement doit avoir l’intention de commettre ces faits et non nécessairement l’intention de nuire à sa victime

    Les auteurs du harcèlement moral

    La définition légale du harcèlement n’introduit aucune distinction liée à la position de ses auteurs dans la hiérarchie de l’entreprise. Le harcèlement moral au travail peut être le fait de l’employeur, d’un ou de plusieurs responsables hiérarchiques (harcèlement vertical descendant), mais aussi d’un ou de plusieurs collègues (harcèlement horizontal ou transversal) ou d’un ou de plusieurs subordonnés (harcèlement vertical ascendant). 

    À savoir

    Le harceleur peut également être une personne étrangère à l’entreprise. Dès lors que celle-ci exerce, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés, l’employeur peut être considéré comme responsable du harcèlement. Par exemple, les agissements d’un formateur, d’un consultant ou d’un coach intervenant dans l’entreprise peuvent engager la responsabilité de l’employeur.

    Obligations de l'employeur en matière de harcèlement moral

    La prévention du harcèlement

    En matière de harcèlement, l’employeur est tenu à une obligation de prévention : il ne doit pas attendre qu’un cas de harcèlement se manifeste dans l’entreprise pour agir. Il doit lutter contre les facteurs favorisant les situations de harcèlement, en amont de ces situations

     

    L’employeur a, d’une part, l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des salariés (art. L. 4121-1 et 2 C. trav.), et, d’autre part, l’obligation de prévenir le harcèlement moral (art. L. 1152-4 C. trav.). Ces deux obligations impliquent pour l’employeur de : 


    • prendre des mesures pour garantir la sécurité des salariés et préserver leur santé physique comme mentale, via notamment des actions d’information et de formation ;
    • porter à la connaissance des salariés les dispositions du Code pénal relatives au délit de harcèlement moral (art. 222-32-2 C. pén.) ;
    • rappeler dans le règlement intérieur de l’entreprise les dispositions relatives à l’interdiction du harcèlement moral, ainsi que l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte visant à protéger les salariés contre toutes les formes de représailles, notamment disciplinaires (art. L. 1321-2, 2°, C. trav.), et par conséquent vérifier que le règlement intérieur est bien à jour sur ces points ;
    • collaborer avec les représentants du personnel.

    Attention !

    L’employeur qui n’a pas respecté son obligation de prévention ne peut pas licencier le salarié pour un motif découlant du harcèlement, comme l’inaptitude au poste de travail (Cass. soc. 24/06/2009, n°07-43994) ou l’absence prolongée du salarié en arrêt maladie venant perturber le fonctionnement de l’entreprise (Cass. soc. 11/10/2006, n° 04-48314).

    L’ANI du 26/03/2010 (art. 3 et 4) sur le harcèlement et la violence au travail confie aux branches professionnelles le soin de concevoir des solutions adaptées, mais précise néanmoins certaines obligations de l’employeur en matière d’identification, de prévention et de gestion des agissements de harcèlement : 


    • l’employeur doit affirmer clairement que le harcèlement et la violence au travail sont inacceptables (par exemple, en établissant une “charte”) ; 
    • l’employeur doit préciser les procédures à suivre en cas de harcèlement ; 
    • l’employeur doit former les responsables hiérarchiques et les salariés afin, notamment, de les sensibiliser aux différents phénomènes de harcèlement et de violence au travail, et de les aider à mieux appréhender leurs conséquences au sein de l’entreprise.

    À savoir

    L’employeur peut se faire assister dans la prévention du harcèlement par les services de prévention et de santé au travail (SPST) (art. L. 4622-2, 2°, C. trav.)

    Le traitement des situations de harcèlement

    Si malgré les mesures de prévention, un cas de harcèlement se présente dans l’entreprise, l’employeur doit le faire cesser dès qu’il en a connaissance (art. L. 1152-1, 2, 4 et L. 4132-2 C. trav.), diligenter une enquête dans l’entreprise au moindre soupçon de harcèlement et mettre en place une procédure de médiation avec l’auteur ou les auteurs des faits (art. L. 1152-6 C. trav.).


    L’ANI du 26/03/2010 précise que l’employeur a la possibilité de mettre en place une procédure pour identifier, comprendre et traiter les phénomènes de harcèlement et de violence au travail, ainsi qu’une procédure de médiation. 


    La procédure de traitement 


    La procédure de traitement du harcèlement doit apporter certaines garanties, telles que :


    • la discrétion de la plainte pour protéger la dignité et la vie privée du ou des salariés victimes ;
    • l’interdiction de divulguer des informations à d’autres personnes que celles concernées ;
    • la conduite d’une enquête à la suite de la plainte ;
    • le respect de l’équité et de l’impartialité ;
    • l’instruction d’informations complémentaires et détaillées venant étayer la plainte. 

    En cas de signalement de faits de harcèlement, l’employeur doit en vérifier immédiatement la réalité, la nature et l’ampleur, en diligentant une enquête en interne. À défaut, il peut se voir reprocher un manquement à son obligation de santé-sécurité (Cass. soc. 29/06/2011, n°09-70902)


    L’employeur n’est pas tenu par la loi d’associer les représentants du personnel à la conduite de cette enquête, qui peut être confiée à des salariés de l’entreprise ou à des professionnels extérieurs (art. L. 4132-2 C. trav.). La consultation des membres du CSE reste toutefois souhaitable. 


    La procédure de médiation


    Une procédure de médiation est prévue par la loi (art. L. 1152-6 C. trav.) et par l’ANI précité (art. 4, §2). Cette procédure peut être engagée par la victime ou par la personne mise en cause. Le choix du médiateur doit faire l’objet d’un accord entre les parties. 


    Le médiateur doit s’informer sur l’état des relations entre l’auteur et la victime du harcèlement et mener une conciliation. Il leur propose ensuite des solutions (ex. : changement de poste pour l'auteur des faits), qu’il doit consigner par écrit, en vue de mettre fin au harcèlement. Si la conciliation échoue, le médiateur doit informer les parties des éventuelles sanctions encourues par l’auteur et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime. 

    Les mesures disciplinaires à l’encontre des harceleurs

    L’employeur est tenu par la loi de sanctionner l’auteur des faits de harcèlement (mutation, mise à pied, licenciement…) (art. L. 1152-5 C. trav.). Cette sanction peut être particulièrement sévère dans la mesure où des agissements de harcèlement avérés constituent une faute grave (Cass. soc. 08/02/23, n° 21-11535)


    Néanmoins, l’employeur ne peut sanctionner le salarié qu’à condition d’établir qu’il est l’auteur du harcèlement. Il ne peut se baser sur la seule présomption de harcèlement résultant de l’ensemble des faits matériellement établis par la victime (Cass. soc. 07/02/2012, n°10-17393). L’employeur est donc tenu d’enquêter lorsqu’il reçoit la plainte d’un salarié, afin, notamment, de recueillir les éléments de fait qui pourront motiver une sanction ou un licenciement disciplinaire (Cass. soc. 22/10/2014, n° 13-18862)


    L’employeur doit être vigilant dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire et ne pas bâcler l’enquête. La mise en cause précipitée et humiliante d’un salarié accusé de harcèlement peut constituer un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (Cass. soc. 06/07/22, n° 21-13631)

    À savoir

    La faute peut être atténuée, voire écartée, si le salarié auteur des faits a lui-même été victime de harcèlement au travail, ou si les méthodes managériales qui lui sont reprochées ont été validées par sa hiérarchie (Cass. soc. 12/07/22, n° 20-22857).

    La protection des victimes, dénonciateurs et témoins de harcèlement

    Toute personne dénonçant des faits de harcèlement, en tant que victime ou témoin, est protégée contre d’éventuelles représailles de la part de l’employeur. Aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral, ou ayant, de bonne foi, relaté de tels agissements, ne peut faire l'objet de mesures disciplinaires liées à son signalement (art. L. 1152-2 et L. 1121-2 C. trav.).

    À savoir

    Cette protection bénéficie également au salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral sans les qualifier de tels. Il n’est pas nécessaire d’employer les mots “harcèlement moral” pour être protégé contre des mesures disciplinaires telles que le licenciement (Cass. soc. 19/04/23, n° 21-21053).

    Toute rupture du contrat de travail, comme tout acte contraire aux articles L. 1152-1 (définition du harcèlement moral) et L. 1152-2 (protection des victimes et témoins), est considérée comme nulle (art. L. 1152-3 C. trav.). Pour prononcer la nullité du licenciement, les juges doivent retenir l’existence d’un lien entre les faits de harcèlement rapportés et le licenciement (Cass. soc. 12/01/22, n° 20-14024).


    En cas de licenciement nul lié à des faits de harcèlement moral, le salarié peut demander sa réintégration dans l’entreprise. S’il ne demande pas sa réintégration, ou si celle-ci est impossible, il perçoit une indemnité versée par l'employeur, qui ne peut être inférieure à la somme de ses salaires des 6 derniers mois (art. L. 1235-3-1 C. trav.).


    Cette indemnisation pour licenciement nul est cumulable avec l’indemnisation perçue en réparation du préjudice distinct causé par le harcèlement moral (Cass. soc. 01/06/23, n° 21-23438).

    Attention !

    Cette immunité n’est bien sûr accordée qu’en cas de bonne foi du salarié. La bonne foi est toujours présumée : c’est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver (art. 2274 C. civ.).

    Si le dénonciateur du harcèlement est de mauvaise foi, par exemple s’il se base sur des faits dont il connaît pertinemment l'inexactitude (art. 1152-2 C. trav.), l’employeur est en droit de le sanctionner.

    Harcèlement moral au travail : recours, réparation et sanctions

    Les recours et moyens du salarié victime

    Pour se défendre face à une situation de harcèlement au travail, le salarié dispose de plusieurs moyens :


    • Il peut alerter l’employeur et/ou sa hiérarchie. Cette alerte entraîne la mise en œuvre de la procédure prévue par l’entreprise en cas de harcèlement (enquête interne), la possibilité de recourir à une médiation dans l’entreprise, ainsi que le droit de bénéficier de mesures d’accompagnement.
    • Le salarié peut alerter le comité social et économique (CSE) et les syndicats. Les représentants du personnel et les représentants syndicaux en place dans l’entreprise (ex. : délégués syndicaux) peuvent l’aider dans ses démarches. Le CSE dispose d'un droit d'alerte et doit prévenir l'employeur de tout cas de harcèlement moral. L’employeur est alors tenu de procéder, sans délai, à une enquête (art. L. 4132-2 C. trav.)
    • Le salarié peut saisir le médecin du travail (art. L. 4622-2 C. trav.). Le médecin du travail est un interlocuteur privilégié en matière de souffrance au travail. Il doit prévenir toute altération de la santé physique et mentale des salariés. La victime peut bénéficier d'un examen médical à sa demande.
    • Le salarié peut alerter l'inspection du travail (art. L. 8112-2 C. trav.). L'agent de contrôle vérifiera si les faits signalés constituent un harcèlement, auquel cas il pourra diligenter une enquête. Si après enquête, l'inspecteur du travail constate une infraction, il en informera le procureur de la République.
    • Le salarié peut exercer son droit de retrait s’il a un motif raisonnable de penser que la situation présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (art. L. 4131-1 C. trav.). Il doit avertir l’employeur de ce danger avant de quitter son poste de travail.
    • Le salarié peut engager une procédure de médiation avec l’auteur des faits (art. L. 1152-6 C. trav.). Le choix du médiateur doit faire l'objet d'un accord entre les deux parties. Plusieurs professionnels proposent ce type de service. Le salarié peut se renseigner auprès de son employeur. En cas d'échec de la conciliation, le médiateur devra informer le salarié de la manière de faire valoir ses droits en justice.
    • Le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes pour obtenir réparation du préjudice subi, sous un délai de 5 ans à compter du dernier fait de harcèlement. La procédure aura lieu contre l’employeur, et ce même si ce n'est pas lui l'auteur direct du harcèlement (il sera alors jugé pour ne pas avoir protégé le salarié contre le harcèlement). L’employeur peut aussi être poursuivi pour licenciement abusif, si le salarié a dénoncé des faits de harcèlement puis a été licencié à titre de représailles.
    • Le salarié peut poursuivre pénalement l'auteur du harcèlement (employeur, responsable hiérarchique, collègue, client, fournisseur...) en déposant plainte. Cette plainte peut venir en complément d'une procédure aux prud'hommes contre l’employeur. La victime de harcèlement moral dispose d’un délai de 6 ans pour porter plainte, à compter du dernier fait de harcèlement en date (derniers propos tenus, dernier e-mail reçu...). La justice prendra alors en compte l’ensemble des faits commis par un même auteur.
    • Le salarié peut saisir le Défenseur des droits si le harcèlement moral est basé sur l’un des critères de discrimination interdits par la loi (couleur de peau, sexe, âge…). Il s’agit dans ce cas de harcèlement discriminatoire. Le salarié doit contacter le délégué local du Défenseur des droits le plus proche de chez lui.

    À savoir

    Tout syndicat représentatif peut, avec l’accord écrit du salarié, engager à sa place une action en justice (prud’hommes ou pénal). Le syndicat agit, dans ce cas, au nom et pour le compte du salarié qui peut mettre fin à cette action à tout moment (art. L. 1154-2 C. trav.).

    Le salarié victime de harcèlement peut-il rompre son contrat de travail ?

    Le manquement de l’employeur à son obligation de prévention est suffisamment grave pour justifier une rupture du contrat de travail à ses torts. Le salarié peut soit prendre acte de la rupture du contrat puis saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir des dommages-intérêts, soit rester en poste et effectuer une demande de résiliation judiciaire auprès des prud’hommes. La rupture du contrat, si elle est prononcée aux torts de l’employeur, produit les effets d’un licenciement nul (Cass. soc. 20/02/2013, n° 11-26560). 

    La preuve du harcèlement moral

    Devant le juge des prud’hommes, le salarié n’a pas à prouver le harcèlement. Il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer son existence (art. L. 1154-1 C. trav.). Pour cela, il peut utiliser tous les éléments de preuve à sa disposition, à condition de les avoir obtenus de manière licite (témoignages de collègues ou de clients de l’entreprise, décisions de l’employeur, traces écrites, certificats médicaux…). 


    Les juges sont tenus d’apprécier les faits invoqués par le salarié dans leur ensemble et non séparément (Cass. soc. 15/02/23, n° 21-12975). Si ces faits laissent supposer l’existence d’un harcèlement, il incombe alors à l’autre partie, généralement l’employeur, de prouver qu’ils ne constituent pas un harcèlement et que des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement les justifient (art. L. 1154-1 C. trav.)


    Devant le tribunal correctionnel (juridiction pénale), en vertu du principe de la présomption d’innocence (toute personne soupçonnée d’une infraction reste innocente tant que sa culpabilité n’a pas été constatée par le juge), c’est au salarié victime d'apporter la preuve du harcèlement moral.

    Les actions en réparation du harcèlement moral

    La reconnaissance d’une lésion professionnelle


    Le harcèlement moral au travail est un facteur de stress intense. Il peut faire naître chez le salarié qui le subit un état dépressif, de l’anxiété, des troubles du comportement et du sommeil, des maladies cardiovasculaires… Dans les cas les plus graves, l’altération de la santé mentale du salarié peut aussi le conduire au suicide. 


    Toutefois, le harcèlement moral ne figure pas dans le tableau des maladies professionnelles. Quand le lien avec le travail est établi, l’altération de la santé physique ou mentale, le suicide ou la tentative de suicide peuvent être reconnus comme accidents du travail, mais plus difficilement comme maladie professionnelle. 


    Dans les cas où l’origine professionnelle de la lésion est reconnue, il est possible d’agir en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Cette faute résulte d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.


    La reconnaissance du préjudice subi devant les tribunaux


    L’employeur a la double obligation de prévenir le harcèlement (art. 1152-4 C. trav.) et d’empêcher qu’un salarié le subisse (art. 1152-1 C. trav.). En raison de cette distinction, la méconnaissance de chacune de ces obligations, lorsqu'elle entraîne des préjudices distincts, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques (Cass. soc. 19/11/2014, n° 13-17729).


    La responsabilité de l’employeur peut également être mise en cause au titre de l’article 

    1242 du Code civil qui rend les employeurs “commettants” responsables des dommages causés par leurs salariés “préposés” dans l’exercice de leurs fonctions.


    Le salarié victime de harcèlement doit engager une procédure devant le conseil de prud’hommes contre son employeur, même si ce dernier n'est pas l'auteur direct du harcèlement. Dans ce cas, l’employeur sera jugé pour ne pas avoir protégé la salarié contre le harcèlement (Cass. soc. 21/06/2006, n° 05-43914).


    Le salarié victime peut aussi poursuivre au pénal l'auteur direct du harcèlement.

    Cette plainte peut venir en complément d'une action aux prud'hommes contre l’employeur. Par exemple, la victime peut poursuivre son employeur aux prud'hommes et l'auteur du harcèlement (collègue, responsable hiérarchique, client, fournisseur ...) au pénal.

    Le salarié harcelé par d’autres salariés peut également saisir directement le tribunal correctionnel sur le fondement de l’article 222-33-2 du Code pénal. La responsabilité civile de l’employeur pourra toujours être mise en cause au titre de l’article 1242 du Code civil (Cass. crim.13/11/2018, n° 17-81398) et au titre du manquement à son obligation de sécurité (la victime pouvant demander des dommages-intérêts devant la juridiction pénale si elle se porte partie civile).

    Les sanctions encourues par l’auteur du harcèlement

    Les sanctions civiles


    L’action en justice devant le conseil de prud’hommes doit être engagée contre l’employeur seul. Mais, à l’occasion de cette action, rien n’empêche le salarié victime de mettre en cause la responsabilité personnelle du ou des salariés qui se sont rendus coupables de harcèlement, à leur initiative ou sur ordre de l’employeur (méthodes de management).


    Tout salarié auteur de faits de harcèlement engage sa responsabilité civile et peut être condamné par le conseil de prud’hommes à verser à la victime des dommages-intérêts fixés en fonction du préjudice subi, sur ses deniers propres (Cass. soc. 21/06/2006 n° 05-43.914).

    À savoir

    La responsabilité civile des salariés (ex. : managers, DRH…) qui ont laissé perdurer la situation alors qu’ils en avaient connaissance peut également être engagée en justice. Ces salariés peuvent, de plus, être sanctionnés par un licenciement. 

    Les sanctions pénales


    Si le salarié victime porte plainte contre l’auteur des faits, celui-ci peut être condamné aux peines suivantes :


    • 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende (art. 222-33-2 C. pén.) pour délit de harcèlement moral ;
    • 1 an de prison et 15 000 euros d’amende en cas de délit de harcèlement moral n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail, ou ayant entraîné une incapacité inférieure ou égale à 8 jours (art. 222-33-2-2 C. pén.) ;
    • 1 an de prison et 15 000 euros d’amende en cas de faits de harcèlement commis par plusieurs personnes ;
    • 1 an de prison et 3 750 euros d’amende (art. L. 1155-2 C. trav.) pour délit de discrimination (faits de discrimination commis à la suite d’un harcèlement moral). 

    Harcèlement moral : rôle des représentants du personnel et des représentants syndicaux

    Les missions du comité social et économique (CSE)

    La mission de proposition et de prévention


    Le CSE peut proposer des actions de prévention du harcèlement moral (art. L. 2312-9, 3° C. trav.). Il peut formuler et examiner, à la demande de l'employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation des salariés, ainsi que leurs conditions de vie dans l'entreprise (art. L. 2312-12 C. trav.).


    La mission d’inspection


    Le CSE procède, à intervalles réguliers, à des inspections en matière de santé, sécurité et conditions de travail. Il réalise des enquêtes sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ou à caractère professionnel). 


    Le CSE peut demander à entendre le chef d'une entreprise voisine si l’activité de celle-ci expose les salariés à des nuisances particulières. Il est informé des suites données à ses observations.


    Les élus au CSE peuvent faire appel, à titre consultatif et occasionnel, à toute personne de l'entreprise leur paraissant qualifiée (art. L. 2312-13 C. trav.).


    La mission d’alerte


    Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE peut dénoncer les atteintes aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale et aux libertés individuelles, pouvant résulter, entre autres, de faits de harcèlement. Si un membre de la délégation du personnel au CSE constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, que l’une de ces atteintes existe dans l'entreprise, sans qu’elle soit justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. 


    En l’absence de réponse adaptée de la part de l'employeur, l’élu au CSE peut saisir le conseil de prud'hommes, si le salarié victime du harcèlement, informé par écrit, ne s’y oppose pas. Le juge statuera alors selon une procédure accélérée (art. L. 2312-59 C. trav.).


    Par ailleurs, le CSE peut faire appel à un expert lorsqu’un risque grave est identifié dans l’entreprise (art. L. 2315-94 C. trav.).

    Le rôle des organisations syndicales représentatives

    Les syndicats représentatifs des salariés ont aussi un rôle important à jouer dans la lutte contre le harcèlement moral au travail. Ils peuvent notamment exercer des actions en justice à la place des salariés victimes, sous réserve de justifier de leur accord écrit (art. L. 1154-2 C. trav.).


    Un syndicat peut également saisir le juge des référés (procédure d’urgence) et lui demander d’ordonner à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour prévenir ou faire cesser les faits de harcèlement.

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